A partir d’une réflexion de notre « correspondant AZF », Pierre Couteau
En septembre 2001, l'explosion de l'usine AZF de Toulouse entraînait la mort de plus d'une trentaine de personnes tandis que des centaines de personnes (dont de nombreux handicapés à vie) étaient blessées. Près de 30 000 logements ainsi que de nombreux bâtiments étaient touchés par ses conséquences. Il y a peu s'ouvrait le procès AZF, procès de l'une des plus grandes catastrophes industrielles françaises de la décennie écoulée. Nous avons voulu revenir sur cette catastrophe et les enseignements que nous pouvons en tirer.
Définir les responsabilités…
Alors que le procès AZF s'ouvrait le 23 février, l'une des questions primordiales devrait être celle des responsabilités. Sur le banc des prévenus le patron de Total et le directeur de sa filiale la Grande paroisse, l’usine AZF de Toulouse seront présents. Le parallèle à 4Gas est intéressant car c'est aujourd'hui qu'il faut se demander qui serait responsable si le projet de méthanier venait à se faire et qu'un incident venait à se produire.
En cas d'accident sur un navire méthanier, 4Gas accepterait-il sa responsabilité alors qu'il s'est toujours présenté comme le potentiel bâtisseur de l'infrastructure terrestre excluant de fait la partie maritime ?
A quelle hauteur 4Gas pourrait être responsable alors que la déclaration de non recevabilité en l'état par le préfet s'étonnait « d'un capital de 37 000 euros, capital qui semble trop faible en regard des moyens financiers nécessaires au fonctionnement d'une telle installation » ?
Dans l'opacité des sociétés, des ventes, achats et rachats perpétuels, parviendrions-nous à retrouver les donneurs d'ordre, les responsables de notre catastrophe ?
Le classement SEVESO et la responsabilité de l’Etat
Mais le parallèle entre AZF et terminal méthanier ne s'arrête pas là. Si une usine pétrochimique type AZF et un terminal méthanier ne sont pas directement comparables, les deux industries sont cependant toutes deux classées Seveso 2. C'est à dire qu'elles appartiennent toutes deux aux installations industrielles à fort risque, selon la norme européenne « Seveso ». De ce classement découlent un certain nombre de risques potentiels dont il faut tenir compte avant toute implantation. On imagine mal que l'on puisse implanter ce type d'industrie en lisière de village. C'est pourtant ce que nous propose 4Gas, comment est-ce possible ?
Il n'existe en fait aucune « distance seuil » à respecter avant toute implantation d'industries Seveso seuil haut. La décision sur une localisation précise d'un projet se fait au coup par coup. Le préfet a tout pouvoir pour décider in fine si le site retenu est suffisamment éloigné de zones sensibles. Pour cette raison, certains demandent à ce qu'on légifère pour qu'une distance minimale soit respectée entre toute industrie Seveso 2 et un lieu accueillant du public. Quoiqu'il en soit, la pleine responsabilité de l'implantation d'une telle industrie appartient à l'Etat.
Le cas AZF, une prise de conscience de l’Etat ?
La gravité des dégâts humains et matériels a été considérable. Certes il y a eu 22 morts et de nombreux blessés parmi les employés de l'usine, mais aussi 9 morts et des milliers de blessés en dehors de l'usine, sur l'autoroute, dans les maisons voisines et cela dans un rayon de plus de 4 kilomètres. Sur le plan matériel, des centaines de constructions ont été détruites ou fortement endommagées.
Est-ce que cela servira de leçon aux divers aménageurs publics ? L'Etat a pris conscience de la gravité du problème. Les diverses lois « post-AZF », loi Bachelot notamment, en sont la preuve. En Aquitaine l’arrêt, immédiatement après l'explosion AZF, par le préfet de l'époque de la production d'une usine de la société Grande Paroisse à Bordeaux, usine similaire à AZF de Toulouse située sur la rive droite de la Garonne, face au quartier des Chartrons et au milieu d'une zone urbanisée de la Bastide est un des exemples « locaux » de cette prise de conscience. L'arrêt a duré huit mois et l'usine est en cours de démolition.
Mais les règlements et circulaires précises sont encore largement en retard sur les bonnes intentions. Les avancées sont restreintes. La loi du 30 juillet 2003, dite "loi Bachelot", du nom de l'ancienne ministre de l'Ecologie, a imposé une remise à plat de l'urbanisme autour des sites les plus dangereux. Elle a de plus rendu obligatoire les "Plans de prévention des risques technologiques" (PPRT) autour des 670 sites "Seveso seuil haut". Seulement, les mises en place des PPRT ont fortement tardé puisque très peu de PPRT sont actuellement en place. Un communiqué de France Nature Environnement s'en été d'ailleurs ému en février 2008 (voir article blog du 18/10/08): alors que les assises du risque technologique s'ouvraient à Douai. Chantal Jouanno, la nouvelle secrétaire d'Etat à l'écologie, proposait début mars une nouvelle table ronde autour des risques technologiques.
En février 2008, le Sénateur Maire Xavier Pintat proposait un texte plus simple et précis fixant la proximité minimum entre un site SEVESO et les premières zones urbanisées à 1500 mètres. Pour relire, l'article que nous avions proposé sur le blog à ce sujet, cliquez ici. Pour l'heure, cette proposition n'a pas été reprise par le gouvernement.
Et au Verdon ?...
A Toulouse, l'urbanisation est venue vers l'usine à risque, à l'inverse, au Verdon, c'est le terminal méthanier classé SEVESO 2 seuil haut qui viendrait vers une zone urbanisée existante, à 476 mètres des premières maisons et 733 mètres de l'école. Si l'Etat permettait une telle implantation, ce serait une grande (et triste...) première ! (voir article blog du 01/11/08).
Dans le procès AZF actuellement en cours, les Pouvoirs Publics font figure de grands absents. En autorisant l'urbanisation autour de l'usine dangereuse, n'ont-ils pas influé sur la gravité des conséquences de l'explosion ? Le procès devra répondre à une telle question. Comment des permis de construire, documents officiels, ont-ils été délivrés pour des habitations, des commerces, une autoroute et même une clinique à proximité d'un site reconnu dangereux ? Dans quelle mesure la responsabilité de l’état sera-t-elle engagée, nous le saurons lors du jugement en novembre prochain.
Pour le cas du projet méthanier du Verdon le problème est différent, nous venons de le voir. Dans ces conditions les divers responsables administratifs qui engageraient leur responsabilité en donnant leur aval, d’une façon ou d’une autre, à une telle proximité sont certainement conscients qu’ils se situeraient alors, au moindre accident, dans une position autrement plus inconfortable (c’est peu de le dire...) que les représentants de l’Etat « pré-AZF » à Toulouse ….
Affaire à suivre.